Les outils de travail collaboratif

Le travail collaboratif : les origines

Travailler ensemble est devenu une nécessité aujourd’hui pour les étudiants, les chercheurs, et les professionnels de différents domaines. Il existe plusieurs moyens pour faire cela, dont le travail collaboratif.
L’expression « Travail collaboratif » fait son apparition en 2002 avec Yochai Benkler, dans son essai intitulé « Coase’s Penguin, or, Linux and The Nature of the Firm« , où il parle de l’émergence d’un nouveau mode de production et de travail. « In this paper I explain why we are beginning to see the emergence of a new, third mode of production, in the digitally networked environment, a mode I call commons-based peer production. » (Yochai Benkler, Coase’s Penguin, or, Linux and The Nature of the Firm, 2002: 1).

Yochai Benkler

Le travail collaboratif ou « teamwork » est une autre forme de travail où des personnes collaborent grâce aux technologies de l’information et de la communication. Ce mode de travail n’est plus fondé sur l’organisation hiérarchisée traditionnelle; et fait le plus souvent appel à des technologies et outils informatiques.
Dans cet article, il sera présenté quelques outils de travail collaboratif. Il fait suite à l’article Ressources numériques libres portant sur les ressources de travail pour les étudiants et les chercheurs en libre accès ou gratuits.

Les outils de travail collaboratif

Le « teamwork » a pris une autre ampleur avec l’utilisation des outils modernes de travail collaboratif, dont les premiers font leur apparition dans les années 1970 avec le Bulletin board system (BBS), un serveur équipé d’un logiciel permettant les échanges de message et le stockage de fichiers. Ces outils sont très diversifiés (gratuits, payants, spécialisés, etc) et sont aujourd’hui très utilisés.
On peut regrouper ces outils en deux grandes catégories : les outils de gestion de documents et les plateformes collaboratives.
Les outils de gestions de documents permettent de créer divers types de contenu numérique, de les partager et de collaborer à leur amélioration. Quant aux plateformes collaboratives, ce sont des espaces de travail virtuels. Ils regroupent en un seul lieu (le plus souvent un site internet ou une application) les outils liés à la gestion des projets.

Les outils de gestion de documents

Google met à la disposition de ses utilisateurs une suite d’outils de travail collaboratifs accessibles gratuitement.
Google Drive est le service de stockage de fichiers de Google. Il stocke tout le contenu réalisé sur les autres outils de la suite Google. On peut également y stocker des dossiers et autres types de fichiers. Le service permet de partager des documents avec des personnes en ajoutant leur adresse mail. On peut également collaborer sur la gestion de contenu en créant un espace de partage.

En plus du stockage sur le cloud et de la gestion collaborative de documents, Google dispose d’une suite bureautique qui permet de créer, de modifier des documents en ligne et de travailler en équipe en temps réel.
Google Docs est un logiciel de traitement de texte, Google Sheets un tableur (semblable à MS Excel), Google Slides un logiciel de présentations et Google Forms un outil pour réaliser des formulaires/questionnaires.

Toutefois, d’autres structures ou entreprises autres que Google offrent des outils de gestion de document.
C’est le cas de Dropbox qui est également un outil de sauvegarde et de gestion de documents comme Drive. Il est fourni par l’entreprise Dropbox Inc. Il propose les options de sauvegarde et de modification de documents.

Les plateformes collaboratives

L’une des plateformes collaboratives les plus populaires est Wikipédia. Il s’agit d’une encyclopédie libre qui propose du contenu dans un très grand nombre de domaines ; des sciences aux arts en passant par l’informatique ou la musique. Cette plateforme dispose également d’une base de ressources médias, nommée, Wikimédia Commons  ainsi que d’autres projets-frères. Totalement libre, cette plateforme offre aux utilisateurs la possibilité de créer de nouveaux sujets, mais aussi de donner leur avis et de modifier des sujets existants.

Trello est également une plateforme collaborative qui permet la gestion de projet en ligne. Lancée en Septembre 2015, la plateforme est basée sur une organisation des projets en planches, contenant des cartes qui représentent les tâches à exécuter. Les différents contributeurs d’un projet se voient assigner des tâches, dont les exécutions peuvent être suivies en temps réel. Tout comme Wikipédia, la plateforme possède une application disponible sur mobile.

L’un des espaces de travail collaboratif le plus en vogue ces dernières années est Slack (Searchable Log of All Conversation and Knowledge). Cette plateforme est qualifiée de Saas (acronyme de Software as a Service) et a été créée en Août 2013. Elle propose à ses utilisateurs des espaces de discussion organisés en canaux. Elle intègre à la fois les conversations mais aussi des services externes comme GitHub, Google Drive ou Dropbox. La plateforme dispose également d’une application mobile et d’un logiciel desktop.

Nous terminons cette liste de plateformes collaboratives par GitHub. Il s’agit d’un site web proposant l’hébergement de logiciels, de codes et de projets informatiques. Le site offre également la possibilité de contribuer à des projets existants, en suggérant des modifications (pull request) ou en copiant le répertoire du projet pour y effectuer directement les modifications (fork). Pour finir, GitHub permet aux utilisateurs de se suivre entre eux, de constituer des flux comme sur les réseaux sociaux, mais aussi de créer un wiki et une page web pour chacun des contenus hébergés.

Les outils de travail collaboratif sont devenus un moyen de plus en plus prisé pour faciliter le travail en équipe. Des solutions libres et gratuites comme Wikipédia à celle payantes ou mi payantes comme la suite Google, ces outils permettent d’optimiser le travail d’équipe.

OpenCon 2017 Parakou: Première journée OpenCon au Bénin

Libre accès, logiciels libres et gratuits, travail collaboratif, voilà autant de concepts clés du mouvement de l’Open Science. C’est dans le but de faire connaître ces notions que l’OpenCon a vu le jour. C’est d’abord une série de conférences organisées chaque année par la Right to Research Coalition, SPARC et un comité d’organisation composé d’étudiants, de jeunes professionnels et de chercheurs de plusieurs pays du monde.

L’OpenCon, c’est aussi une grande communauté d’étudiants, de chercheurs, de professionnels de tous les domaines; œuvrant activement pour la science ouverte et le libre accès.

Initiative de l’OpenCon 2017 Parakou

L’idée de la tenue d’un événement OpenCon est partie d’un constat fait par les membres du Club Science Ouverte de Parakou au Bénin. En effet, ils ont remarqué que presque tous les événements sur l’Open Science et le libre accès avaient lieu à Cotonou ou à Porto-Novo. Alors, dans l’optique de faire connaître leurs idées, le mouvement pour lequel ils militent, ils ont initié cette journée.

L’événement était à la base une Journée du libre accès et du logiciel libre, puis est finalement devenue l’OpenCon 2017 Parakou. Il a eu lieu ce Samedi 16 Septembre 2017 dans les locaux de l’Ecole Nationale de Statistique, de Planification et de Démographie (ENSPD) à l’Université de Parakou.
 

Activités menées lors de l’OpenCon 2017 Parakou

Durant cette journée, les différentes notions de science ouverte, libre accès, logiciels libre ont été clarifiées aux participants. Un projet de conception d’un progiciel en open source pour la  gestion des scolarités au Bénin a également été présenté. Les participants ont pu apporter des témoignages sur le sujet et faire quelques propositions pour sa réussite. Pour finir, un workshop sur la contribution collaborative a la création d’une page Wikipédia a eu lieu.

Retrouvez un résumé des activités menées lors de cette journée sur: Rapport des activités OpenCon 2017 Parakpou.
 

Interview avec Mr Judicael Alladatin

Le mouvement de science ouverte vu par Judicael Alladatin

Aujourd’hui, l’Open Science Blog à le grand honneur de recevoir Judicaël Alladatin autour d’un sujet passionnant qu’est la science ouverte. Suivez nous tout au long de cette enrichissante entrevue.

Open Science Blog :  Bonjour monsieur Judicaël. Merci d’accepter de faire cette interview pour l’Open Science Blog. L’Open Science Blog est une plateforme qui a été créée pour faire la promotion de la science ouverte -vue comme une alternative au développement local durable- à travers ses différents outils.

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter brièvement aux lecteurs de l’Open Science Blog ?

Judicaël: On m’appelle Judicaël Alladatin, je suis agro-économiste et socio-démographe. Aussi, je fais partie d’un mouvement de promotion de la science ouverte, et je suis enseignant-chercheur à l’Université de Parakou, à l’Ecole Nationale de la Statistique, de la Planification et de la Démographie.

Open Science Blog: Monsieur Judicaël, quelle est votre définition de la science ouverte?

Judicaël: La science ouverte est, par opposition à une science fermée, une peu comme son nom l’indique, ouverte, mais pas seulement. Il y a plusieurs caractéristiques qui permettent de reconnaître une science qui est effectivement ouverte.

D’abord, il s’agit d’une science qui permet de développer le plein potentiel des étudiants et des chercheurs, mais aussi, de faire contribuer à l’avancée de la science, des personnes qui ne sont pas traditionnellement reconnus comme étant du monde de la recherche. Il s’agit par exemple des paysans, qui ont des savoir-faire qu’on appelle des savoirs locaux. Et donc, dans une science ouverte, on ouvre les vannes vers ce genre de personne là afin qu’elles puissent aussi contribuer à l’avancée des connaissances.

La science ouverte, c’est aussi une science qui est partagée, qui n’est pas fermée à des individus, une science dans laquelle on n’a pas on n’a pas besoin d’être obligatoirement dans certains réseaux pour travailler. Donc, cette science, on la partage ; ce qui induit une certaine nécessité de l’internet pour pouvoir la divulguer à travers le monde, à travers toutes les couches. C’est aussi une science qui s’intéresse beaucoup plus aux problématiques qui sont rencontrées dans la zone où elles se développent.

Et donc, ce n’est pas des problématiques venues d’ailleurs ou qui sont inventées qu’on traite dans cette science-là. C’est en définitive une science qui permet réellement de répondre aux besoins de développement local dans le milieu où le chercheur ou la personne qui fait des travaux pour cette science se trouve.

Open Science Blog: Alors, comment est-ce que vous êtes arrivés à vous intéresser à ce concept de science ouverte ? Qu’est ce qui a été à la base de votre motivation ?

Judicaël: Ma motivation est en fait reliée à plusieurs choses. La première, c’est que j’ai beaucoup travaillé en agro-économie, il y a eu des résultats de recherche, et j’ai fait deux constats.

Le premier c’est qu’on va parfois sur le terrain pour faire certains travaux, et on constate malheureusement qu’il n’y a pas une forte désirabilité sociale. Ce qui signifie simplement que ce travail de recherche ne rencontre en réalité pas les problèmes qu’ont les individus dans le milieu dans lequel il a été effectué, mais que c’est plutôt suite à un financement ou suite à un intérêt particulier que cette recherche est faite.

Le second constat est que des recherches ont été effectuées, mais dont les résultats n’ont jamais servi à résoudre les problématiques par rapport auxquelles elles ont été effectuées.

Ces deux constats me mettent un peu mal alaise, car de cette manière, rien n’évoluera jamais ! Donc, résultats des recherches non appliqués, travaux de recherche non fondés sur les besoins de la population.

L’autre chose à la base de ma motivation est que j’ai fait le constat que dans d’autres pays, dans les pays sous-développés, on enseigne dans les cours l’utilisation de plusieurs logiciels, mais ces logiciels sont en majorité payants, logiciels que les étudiants ou même les écoles ou universités ne peuvent souvent pas s’acheter. Et on se contente donc de versions obsolètes qui ne sont pas actualisées, ce qui cause effectivement un problème. Alors que dans le même temps, il y a des logiciels libres, qui sont des outils de la science ouverte et qu’in aurait pu enseigner de façon parallèle et permettre que pour la réalisation d’une même tâche, si on ne dispose pas d’un logiciel payant, on puisse aller vers le logiciel libre correspondant.

Ça fait donc plusieurs constats qui ont été vraiment à la base de mon intérêt pour la science ouverte. J’ai donc essayé de m’y intéresser de plus près, d’abord au projet SOHA, dont l’un des objectifs était de faire des formations sur les logiciels libres. J’ai donc intégré ce réseau, et je suis devenu plus tard co-chercheur du projet SOHA.

Open Science Blog: En parlant de recherches effectuées, mais dont les résultats ne sont pas utilisés pour résoudre des problématiques, est ce qu’il y a de ces exemples dans notre pays ?

Judicaël:Oui, absolument. Entre 2008 et 2009, j’ai participé à un projet au niveau de l’INRAB, l’Institut National de Recherche Agricole du Bénin, où ensemble avec un autre chercheur, des méthodes ont été établies afin de transformer les fruits de l’anacarde en alcool ; de l’alcool à usage médical et de l’alcool de consommation. La démarche de production a été mise en place, on est allé jusqu’à faire des tests à la DANA. Le projet a été certifié et on a fait des tests économiques pour voir ce que cela pouvait rapporter à la filière cajou.

Mais, jusqu’à ce jour, dans nos champs, les fruits de l’anacarde sont jetés, et n’ont aucune valeur, alors qu’ils pourraient être valorisés. C’est vraiment un exemple palpable de ce type de recherche là. Et même, dans mes souvenirs, lorsqu’on menait cette recherche, les producteurs étaient très intéressés. Ils ont même mis à notre disposition, dans la zone de Kokoro et de Ouèssè un espace, afin de pouvoir installer une unité de production, puisqu’ils pourraient ainsi vendre les fruits qu’ils jetaient d’habitude. Ce projet n’a jamais eu de suite.

Open Science Blog: Nous constatons que pour les pays en voie de développement comme le nôtre, il y a déjà des universitaires, des chercheurs qui mettent leurs compétences et connaissances au service du bien-être de la population. A votre avis, comment la science ouverte peut-elle réellement aider au développement durable de ces pays-là ?

Judicaël: Ce qui est central, c’est de premièrement transformer les universités ; il y a un besoin de réinvention totale de nos universités, car c’est la manière dont fonctionne nos universités qui est à la base du fait que les résultats des recherches ne sont pas exploités et du fait que les projets de recherche ne sont souvent pas arrimés aux besoins des populations. Pour résoudre ce problème, il faut de réinventer l’université à travers plusieurs actions.

Premièrement, il est important de démystifier l’université, car l’université est vue dans notre pays comme un univers inatteignable. C’est dans ce souci que d’ailleurs que le nom en langue Fon-gbé de l’université a été emprunté pour dénommer la boutique des sciences du Bénin : on l’a donc appelé ‘’Alavotodji’’. En effet, quand l’université est appelée dans cette langue ‘’Kplon Idji Alavↄ’’, cela pousse à croire que seules les personnes qui ont fait de longues étude qui ont accès à cette institution.

Mais, la science ouverte dit non à cette conception, elle considère l’université comme appartenant à tout le peuple. La démystification de l’université doit permettre de l’ouvrir à tout le monde, d’en faire un lieu où on partage la connaissance, où on discute de développement, plutôt qu’un lieu où on distribue tout simplement des diplômes.

Seconde chose, c’est qu’il faut qu’on installe des dispositifs qui permettent aux universités d’être directement inter reliés avec la population locale. Un des dispositifs possibles est, comme je l’ai dit tantôt, la boutique des sciences. C’est un dispositif qui permet d’interconnecter la population locale, les étudiants et les universités, tout cela, autour des problématiques du développement local.

Ce qu’on peut aussi faire, c’est la promotion, l’empowerment des étudiants; c’est eux qui vont plus réaliser des travaux qui concernent le développement local. Il faut déjà leur démontrer qu’ils en sont capables, car on est encore dans un système où l’étudiant est considéré comme ignorant à qui on enseigne tout. Il faut donc changer cette donne là et donner toutes les capacités à l’étudiant, afin qu’il soit à même d’inventer, d’être en relation avec le milieu local.

De plus, il faut également s’assurer que les travaux réalisés dans les universités soient arrimés avec les politiques au niveau national. C’est de cette manière qu’on s’assure que les résultats de recherche vont être exploités.

Dernière chose, c’est qu’il faut vraiment faire la promotion de la recherche-action participative. C’est une recherche dans laquelle, en même temps qu’on essaie de comprendre un phénomène, on met en place un dispositif pour régler le problème concerné. Il faut évidemment pour cela que les pouvoirs publics prennent quand même conscience de l’importance de la recherche pour le développement; cela afin d’apporter plus de moyens, plus de compétences, de ressources humaines aux projets.

Je prends l’exemple d’un certain nombre de laboratoires de recherche à l’Université d’Abomey-Calavi qui ne sont pas dotés de personnel, de ressources humaines en dehors des enseignants. Cela bloque un peu la capacité d’agir de ces unités de recherche là.

Open Science Blog: Alors, quand vous parlez de réinventer les universités, de les démystifier, cela restera le commun des phrases abstraites. Dans notre contexte, à l’Université de Parakou, quelles sont les actions concrètes que vous proposez dans le but de démystifier l’université ?

Judicaël: Je commence par donner l’exemple des colloques qui sont très souvent organisés sur des sujets comme la recherche sur le développement local où sont invités des enseignants, des chercheurs, des travailleurs d’institutions de recherche internationales.

Ces colloques sont vraiment une bonne manière de mystifier encore plus l’université. A ces genres de colloque, on doit retrouver les paysans qui font de la recherche tous les jours ; il faut donc intégrer ces acteurs dans les cercles de discussion, afin qu’ils partagent leurs expériences. C’est en les invitant à ce genre d’événement que ces acteurs pourront s’adresser directement à l’université s’ils ont plus tard des problématiques !

L’autre moyen de démystification des universités, c’est véritablement les boutiques des sciences dont la mise en place permet aux populations de poser leurs problèmes de développement à l’université. Et dès qu’un enseignant accepter d’intégrer ces problématiques dans ses priorités d’enseignement et de recherche, le lien se fait directement entre la population et le milieu universitaire.

Une autre action, réalisée dans certaines universités, est de créer des ‘’classes du soir’’ où les personnes ne remplissant pas les critères académiques pour intégrer l’université peuvent venir se faire former dans certains domaines, comme par exemple la gestion d’une entreprise privée.

A travers ces enseignements qui sont ouverts au public, on montre que l’université n’est pas un cercle qui est seulement réservé à des personnes ayant au moins le baccalauréat.

Open Science Blog: Pour finir, quel appel pouvez-vous lancer à la jeune génération de chercheurs et d’étudiants qui s’intéressent à la science ouverte comme moyen de développement local ?

Judicaël: S’il y a un appel que je peux les lancer, c’est de ne pas avoir peur de rentrer dans les réseaux, de demander à devenir membre de ces réseaux comme l’APSOHA . Nos jeunes doivent également participer aux activités, s’informer sur la science ouverte, mais aussi et surtout, prendre des initiatives. C’est cet appel que je peux lancer à cette jeune génération, qui a parfois tendance à attendre qu’on lui recommande telle ou telle action. Il faut inventer, prendre des initiatives.

Open Science Blog: Merci beaucoup Mr Judicaël pour le temps accordé et pour toutes ces informations.

Judicaël: C’est moi qui vous remercie.

Les boutiques des sciences

Les boutiques des sciences, outils de justice cognitive au service du développement durable

  1. Origines

Les relations qui existent entre sciences et sociétés ont depuis toujours été soumis à des obstacles dont le plus important est le rejet pur et simple que la science entretient vis à vis des savoirs non scientifiques. L’une des raisons principales de ces obstacles est que le besoin croissant de démocratie participative des citoyens est maintenu à l’écart de la recherche institutionnelle.

Dans ce contexte, il devient alors important d’émettre des interrogations sur non seulement les relations entre les sciences mais aussi sur les relations qu’entretiennent ces sciences avec les savoirs locaux (profanes) et la société civile. C’est là qu’intervient le concept de boutique des sciences.

L’université, carrefour de la recherche, de l’enseignement et de la diffusion des savoirs apparaît alors comme le cadre parfait pour essayer de combler ce gouffre entre science et savoirs locaux.

En effet, c’est dans une université hollandaise qu’en 1970, la première boutique des sciences, -qui est à la base une tentative de rapprochement entre sciences et université- voit le jour. Cette première boutique des sciences fut inventée par des étudiants en biologie pour rendre service à une association d’habitants inquiets de la qualité de leur eau.

    2. Définition et principe de fonctionnement de la boutique des sciences

Alors, qu’est-ce qu’une boutique des sciences ? Que vise t-elle ? Quels sont ses avantages ?

Une boutique des sciences est avant tout un dispositif qui permet à des structures à but non lucratif (associations, conseils de quartier, groupements de parents d’élèves…) de bénéficier de l’expertise d’une équipe scientifique (des étudiants encadrés par des chercheurs) pour répondre à une question pouvant avoir un intérêt général.

Le principe de fonctionnement de ce dispositif est le suivant :

  • Dans le cadre de leur formation et sous la supervision de leur enseignant, les étudiants et étudiantes réalisent un projet (analyse, synthèse, enquête, projet pratique, etc.,) qui répond à la demande d’un organisme à but non lucratif de la région.
  • Comme le projet devient une activité pédagogique, les étudiants et étudiantes sont payés en «crédits d’études», ce qui permet au projet de se faire gratuitement pour l’organisme demandeur.
  • Les enseignants y découvrent une nouvelle approche de pédagogie active, car leurs étudiants mettent en œuvre leurs nouvelles compétences pour aider une association à mieux réaliser sa mission.
  • Le travail réalisé est déposé en libre accès sur Internet afin de servir à d’autres organismes similaires.
    Ce fonctionnement peut être synthétisé comme suit :

    3. Avantages d’une boutique des sciences

Quels sont alors les avantages de cet outil ? On en distingue plusieurs au nombres desquelles on peut énumérer les suivantes :

  • La boutique des sciences met les compétences et connaissances disponibles dans une université au service des projets et des besoins des organismes à but non lucratif qui n’ont pas d’autres ressources, mais qui ont des savoirs sur ce qui pourrait être fait
  • Elle valorise une pédagogie axée sur l’action et la collaboration « hors les murs »
  • Elle valorise également la capacité des étudiants et étudiantes à réaliser des projets concrets au service de la communauté, ce qui contribue à leur formation citoyenne
  • Une boutique des sciences appuie l’empowerment des associations locales et valorise leur action et leurs savoirs
  • Elle intègre les savoirs des non-scientifiques dans la production de connaissances locales favorisant ainsi la justice cognitive
  • Elle développe la responsabilité sociale de l’université pour viser l’éducation à la citoyenneté
  • Les étudiantes et étudiants développent des compétences professionnalisantes (répondre à une demande externe) et découvrent des milieux de travail ou d’engagement citoyen
  • Des associations trouvent un appui inespéré à leur mission
  • Des enseignants renouvellent leur méthode pédagogique

Une boutique des sciences est donc un outil de justice cognitive et de développement local durable. Le Bénin dispose depuis 2016 de sa propre boutique des sciences basée à l’Université d’Abomey Calavi.
Boutique des sciences du Bénin

La science ouverte, qu’est-ce que c’est?

La science ouverte, un nouveau concept , un nouveau mouvement

  1. Historique

Avant le 17ème siècle, la science était en général qualifiée de « secrète ». La circulation de nouvelles scientifiques était limitée à un cercle restreint de connaissances. De plus, les chercheurs cryptaient souvent les résultats de leur recherche afin d’éviter leur publication.

Toutefois, un changement va s’opérer vers le milieu du 17ème siècle avec la venue de nouveaux modèles de financement des recherches scientifiques. C’est à cette période que naissent les premières académies : la Royal Society en 1660, l’Académie des sciences en 1666 ; on compte alors plus de 70 institutions similaires dans toute l’Europe en 1793. L’apparition des académies entraîne celle des revues scientifiques et en compte plus d’un millier en 1790.

  1. La science ouverte, qu’est-ce que c’est ?

On désigne par science ouverte un ensemble de pratiques fondées sur le recours à internet, aux outils de travail collaboratif (Wikipédia, Wikiversité, Wikispecies) et du web social. Ces outils peuvent être utilisés dans la formulation d’hypothèses et de questions scientifiques et la diffusion/vulgarisation des recherches.

Cette science ouverte se caractérise par plusieurs aspects :

  • C’est une science qui s’ouvre aux savoirs non scientifiques (traditionnels, locaux, politiques, quotidiens, etc.) et qui les intègre au lieu de les mépriser ou de les ignorer : archivage des savoirs locaux, recherche-action participative, études sociales des sciences, rapports science-société, responsabilité sociale des universités, débat public sur les sciences, épistémologie sociale et politique, etc.
  • Elle s’ouvre à la contribution des non-scientifiques à la recherche, que ce soit dans la collecte des données ou la définition du projet de recherche, par souci du bien commun : science citoyenne, recherche-action participative, boutique de sciences, information volontaire, digital citizen science, fablabs, living labs, biohack labs, etc.
  • Une science qui donne universellement accès à ses textes et à ses données de recherche, dans tous les pays du monde et sans barrière financière, et qui va même jusqu’à favoriser leur réutilisation au service du bien commun : Libre accès, revue en accès libre, dépôt institutionnel, plateforme numérique, partage et réutilisation des données de recherche, big data, évaluation ouverte, publication scientifique, bibliothèque numérique, etc.
  • La science ouverte rejette la tour d’ivoire et la séparation entre les chercheurs, les chercheuses et le reste de la population du pays : critique du cadre normatif dominant de la science, politique scientifique, finalité de la recherche scientifique, économie du savoir, métiers de la recherche, financement de la recherche, etc.
  • Elle qui vise la justice cognitive et le respect de tous les savoirs humains, qu’ils viennent des pays du Sud ou des pays du Nord : études culturelles, études postcoloniales, exode des cerveaux, universités des pays du Sud, théories de la reconnaissance, théories du pouvoir, mondialisation, etc.

Enfin, la science ouverte est un bien commun : théorie des biens communs, éthique, citoyenneté, société civile, éducation, etc.

  1. Avantages et intérêts
  • La science ouverte favorise le travail collaboratif, participatif et massivement distribué.
  • Elle facilite et encourage la transparence, la traçabilité (l’obligation de citer la source fait partie de la plupart des licences utilisées en sciences ouvertes et c’est l’un des gages de confiance). Elle permet donc une vérification plus rapide et potentiellement plus large par les pairs.
  • De nombreuses disciplines peuvent bénéficier d’outils collaboratifs et ouverts (dont de nombreux logiciels libres), et en retour les améliorer ou les compléter. Souvent une discipline isolée peut aussi profiter d’outils et de connaissances mis à disposition par d’autres disciplines.
  • Les étudiants peuvent rendre accessibles à peu de frais les textes requis pour leur programme d’études (devoirs, mémoires, rapports, essais, thèses…).
  • Les outils de la science ouverte pourraient favoriser l’intégration des savoirs autochtones et locaux ou de certaines minorités (à condition que ces populations aient accès à ces outils).
  • La science ouverte peut bouleverser les exercices de construction d’hypothèses (en les discutant dans un cercle plus large, en bénéficiant de plus de retours d’expérience).  Elle influence également les processus d’évaluation de la recherche.

Le mouvement de l’Open est donc un moyen efficace pour remédier aux différents problèmes et difficultés avec la science dans son cadre normatif.